Méditations sur la brièveté de la vie (Bossuet)
Mes amis, parcourir quelques pages d’un auteur, c’est comme aller à la chasse aux papillons, avec son grand filet, ses gestes amples et son chapeau de paille, Pourquoi me demanderez-vous cette comparaison champêtre, eh bien quand l’on lit quelques morceaux d’un auteur que l’on ne lit pas souvent, c’est grappiller quelques idées qui ont le mérite de nous faire reconnaître qui nous sommes, qui aurions-nous pu être, pourquoi ne le sommes-nous pas.
Ces quelques idées, c’est comme les papillons elles vont, elles viennent et soudain l’une plus présente que d’autres nous interpelle et c’est ainsi qu’en relisant quelques pages de Bossuet sur « Les méditations sur la brièveté de la vie », j’ai décidé de m’y arrêter. Bossuet n’est pas réputé pour ses sermons gais et amusants mais plutôt pour des pièces très recherchées qui peuvent être souvent assimilées à des pièces d’orateur.
Bossuet est je pense le meilleurs orateur que nous ayons eu, cela se voit, se sent lorsque l’on lit ses écrits, ils se discourent et se réfléchissent en les lisant.
La brièveté de la vie selon Bossuet se caractérise par des moments de bonheur très courts, ainsi que des moments de malheur de longueur variable. Pourquoi cette brièveté, parce que Bossuet pense que le temps que nous passons sur terre est si court que l’on a guère le temps d’en profiter et que si profit il y a, cela ne se produit qu’à l’âge adulte. En effet, il pense que la petite enfance est assimilable à « la vie d’une bête » dont il ne reste rien à l’âge adulte. Et comme cet âge adulte dure peu, même si l’on est âgé, le temps de la réflexion est court.
D’autre part, il considère le « sommeil est semblable à la mort », c’est-à-dire dénué d’intérêt. Il considère la vie comme une suite d’évènements prenant chacun la place des autres au fur et à mesure « Que lui restera-t-il quand la vieillesse viendra se demande-t-il "
Notons la dureté des propos et si ce n’est la traduction qui s’est emballée, du moins l’on peut penser que l’évêque de Meaux ne s’embarrassait pas d’image fleurie pour exprimer ce qu’il avait à dire. D’ailleurs tout ceci peut se justifier dès lors que l’on lit une page de Bossuet comme un discours, comme je l’ai mentionné tout à l’heure.
Bossuet en fait quantifie la vie en temps, il la moyenne à quatre-vingt ans, cycle fermé où tout se passe. Il s’enferme dans un espace-temps conditionné par la durée de sa vie adulte. Cela mérite réflexion. La petite enfance à l’époque de Bossuet, ne représentait évidemment pas ce qu’elle représente aujourd’hui. Les XVIème et XVIIème siècles n’attachaient pas l’importance à l’enfant qu’on y attache maintenant malgré les tentatives de Jean-Jacques Rousseau avec l’« Emile » par exemple.
J’ai donc saisi au vol une idée dans « Méditation sur la brièveté de la vie » : C’est la négation de l’importance de l’enfance dans la vie adulte.
La petite enfance depuis été étudiée en profondeur, et on peut maintenant dire que c’est le facteur déterminant de sa vie future d’adulte. Avant d’étudier l’enfance et la petite enfance, il me semble important de conceptualiser le désir d’obtention d’un enfant.
« Entre vouloir et désirer, il existe une grande différence qui renvoie à la notion de conscient et d'inconscient. On peut être conscient de vouloir quelque chose et en même temps, dans la part de nous que nous ne connaissons pas, et qui reste inconsciente, ne pas en vouloir.
Le désir a partie liée avec l'inconscient. Nous ne connaissons jamais vraiment ce qu'il en est de notre désir. Une part de lui demeure toujours énigmatique. Par exemple, dans notre société actuelle, une femme ou un homme peuvent vouloir un enfant pour être dans la norme. Pour avoir ce "must" qui est quelque fois considéré aujourd'hui comme un épanouissement personnel indispensable. Mais qu'en est-il de leur véritable désir concernant la possibilité d'être père ou mère ? Ce désir les renverra certainement à leur propre enfance et aux identifications avec leurs parents. »
La tradition judéo-Chrétienne du « couple reproducteur » a fortiori monogame, a deux incidences, la première c’est d’être en couple pour avoir un statut social, et la deuxième qui naturellement va découler de la première c’est d’avoir un enfant, voulu ou désiré ce qui finit d’assurer le couple dans le déterminisme da sa vie.
Ce qui nous interpelle, c’est la part inconsciente, la part du désir, car une fois que le désir est satisfait, il faut en gérer la conséquence, c’est à dire l’éducation. Cette part du désir est complexe, car elle fait appel à la fois, au désir instinctif de se reproduire et à la tradition transformée alors en phénomène indispensable à la survie du couple, nonobstant le fait de savoir si l’un ou l’autre sera capable d’assumer sa responsabilité, ce que nous allons étudier.
L’éducation, l’acception de l’enfant évolue au rythme du temps, un enfant il y a un siècle n’avait pas du tout la même identité psychologique face à un adulte que maintenant, tout ce que va vivre l’enfant est le fruit d’un calque de ce que ses parents auront eux-mêmes reçus. La construction du caractère dans une grande partie est faite d’expérimentations empiriques et d’observations de ce qui va concerner l’environnement de l’enfant ; celui-ci perçoit, enregistre, subit.
En aucun cas ces traumas ou ces bonheurs ne vont lui échapper, ils restent gravés dans le marbre de son inconscient, Françoise Dolto l’explique très bien dans les « Chemins de l’éducation » par exemple, Suzanne Forward d’une autre façon dans « Parents toxiques » qui est d’une approche différente. Mais ce qui est commun, parmi tous les auteurs qui se sont intéressés à la petite enfance, aussi Scot Peck dans le « Le chemin le moins fréquenté », c’est de dire que les parents ont une importance primordiale au sens propre des racines latines du terme..
La souffrance d’un enfant, n’est pas celle des stoïciens comme Zénon qui estimaient qu’il fallait l’avoir connue pour qu’après elle fasse le moins mal possible. Elle augmente au cours du temps avec des périodes de rémission qui l’aident à la dissimuler, de façon à ce qu’une nouvelle douleur vienne prendre la place de l’autre comblant l’espace de la précédente en débordant et élargissant le choc psychologique.
L’identité parentale, on l’a dit est fondamentale, les parents avec leur jeunesse recopient à l’identique ce qu’ils ont vécu. Il y a plusieurs raisons, comme je viens de le dire, une des principales est la jeunesse du couple, il est quand même assez rare d’avoir des enfants après un certain âge, ce qui shunte l’expérience que les parents auraient pu acquérir. On admet donc, que l’éducation est reçue et ressentie, car on peut parler d’éducation ressentie, c’est la meilleure que l‘on puisse donner à ses enfants, car si après tout, l’on se porte très bien, c’est le signe évident d’une bonne entrée dans la vie et d’un bon sens des responsabilités.
Alors, comment expliquer la dérive psychologique qui peut apparaître à l’adolescence et plus tard dans la vie d’adulte.
Les parents pris par l’engrenage infernal de la société, n’ont plus le temps de porter l’attention qu’il faut porter à un petit. La société de consommation est destructrice car elle détruit la pensée par une recherche désespérée du bien-être. Le schéma reproductif de l’éducation, je préfère parler de l’apprentissage de la vie, se borne alors, à une responsabilisation de l’enfant que celui-ci n’a pas mérité.
Par exemple « Tu es intelligent, tu es un grand maintenant » tout un tas de classique qui tendent à faire porter au petit des responsabilités qu’il est encore incapable d’assumer. D’après Piaget, la construction de l’intelligence….se fait par escalier et donc par marche, ceci est maintenant battu en brèche car déjà le nourrisson engrange des ressources cognitives qui vont l’aider à avancer mais pas d’une manière linéaire comme le dit Piaget. Il est donc confronté avec son déjà vécu et son présent représenté par l’autorité parentale.
Ceci est intéressant à plus d’un titre car cela prouverait que l’enfant qui subit son père sa mère ou bien les deux s’est formé une sorte de jugement battu en brèche par l’autorité et donc considéré comme fallacieux et rebelle par l’enfant. Et encore une fois il va le reléguer dans les tréfonds de son inconscient. Il va alors s’identifier au père sans discernement, cachant sa véritable personnalité en en faisant un héros de pacotille qui s’effritera au fil des années de murissement.
La société de consommation est évidemment une bonne réponse au laisser aller de l’apprentissage de la vie de ses enfants; mais n’oublions pas, le détachement affectif dont j’ai parlé plus haut qui a comme causalité cette société. Causalité bienvenue d’ailleurs, car elle justifie à elle seule l’échec de la famille. Il est bien clair qu’une famille à l’abandon ne pourra que causer un trauma profond à l’enfant, perte de repère, manque d’autorité, remise en questions de sa constructions à peine commencée, mais cela n’est pas notre propos, car ce qui m’intéresse c’est justement l’apparence, la normalité d’un couple qui néanmoins peine à comme l’on dit « élever ses enfant ».
Bien sous tous rapports, mais pourtant. L’enfant est seul, représentatif d’un statut social, qui évolue dans ce milieu délétère d’un amour de circonstance, mais qui en fait n’assiste rien de moins qu’à une pièce de théâtre où les acteurs sont les parents et les spectateurs les enfants. Il est laissé à face à lui-même, ne se rend pas compte qu’il lui manque l’affect; il souffre même, mais il ne le comprend pas, il est seul et dès lors doit se prendre charge. Mais comme je l’ai dit tout à l’heure, tout ceci est pernicieux, car ni l’enfant ni les parents ont conscience de de ce désordre affectif.
Le détachement affectif des parents, ce style autoritaire qui décrit les parents qui préconisent l’obéissance et le respect des règles familiales, mais qui accordent peu de place aux considérations affectives, considèrent que les enfants et les adolescents doivent se plier aux règles et adoptent des mesures disciplinaires en cas de transgression de ces règles. Les échanges verbaux sont rares car ces parents considèrent que l’enfant doit se conformer aux exigences parentales sans les discuter.
Ceci se vérifie lorsque les parents n’ont plus l’argumentaire pour se faire comprendre des enfants, ils n’ont plus l’argumentaire car ils ne savent pas que leurs prestations vis-à-vis de leurs enfants est la même que celle qu’ils ont reçus de leurs propres parents. Seule une introspection menée avec soin ou une psychothérapie pourraient alors leur faire comprendre que le schéma reproductif qu’ils conduisent n’est que la mémoire du leur sans aucun aménagement du à la situation ou à l’époque.
Alors que faire ?, sans tomber dans une démarche naïve, l’enfant doit être voulu et désiré à la fois, il ne doit pas servir de faire valoir face à la société et surtout ne pas s’imaginer qu’il va renforcer un couple déjà sur la pente glissante de la séparation. Mais entendons-nous bien, a contrario, l’enfant s’il ne renforce pas le couple sert indubitablement à lui créer une raison d’exister. Dans ce cas précis, la question ne se pose pas et « le style « exigeant/chaleureux » qui définit les parents qui ont des demandes élevées mais qui répondent aux besoins des adolescents sont chaleureux mais fermes. Ils ont des projets à l’égard des enfants, posent des exigences réalistes, valorisent la responsabilité et la prise en charge, mais assument la responsabilité ultime des décisions. Ces parents font également preuve de proximité affective et s’engagent souvent dans des discussions, afin de faire comprendre à l’enfant ou à l’adolescent la raison de leurs décisions »
L’inconscient est l’avant-garde du conscient, il est vivant, et en tant que tel, le moi « est le médiateur entre : les exigences pulsionnelles du çà, les contraintes de la réalité, les exigences du Surmoi. Il est chargé des intérêts de la totalité du sujet. Il assure la stabilité et l’identité de la personne. Il doit préserver son autonomie. Il est chargé de la lutte contre l’angoisse liée aux conflits, par les mécanismes de défense ».
La souffrance psychologique d’un enfant conduira inévitablement au drame un jour ou l’autre, dans sa vie d’adolescent ou d’adulte. Il ne faut nier l’impact de l’enfance, c’est un temps de construction dont on coule à ce moment les fondations. Bossuet disait que nous passions notre temps à vivre et que nous le passions avec lui, il en faisait en fait une entité inconsciente qui fabriquait l’espace dans lequel il s’étirait, Dieu étant le seul maître du temps. Je ne suis pas fondamentalement opposé à un tel exercice à ceci près que le temps peut être maitrisé, c’est une question d’opportunité et une raison de vivre.
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